vendredi 8 mars 2013

Trois jours à Daegu (2/3) : Upo et la Longue Marche

Comme Daegu n'a pas tant de choses que ça à visiter et que les temples ne nous tentaient pas trop (il y a le temple de Haeinsa qui est un des plus connus de Corée, mais Sangsun l'avait déjà visité en automne dernier), nous avions prévu d'aller visiter Upo wetland, située au sud de Daegu. Cependant, le trajet n'était pas des plus faciles, car qui dit zone écologique dit souvent zone perdue au milieu de nulle part. Donc, pour aller à Upo, il fallait tout d'abord prendre un bus pour aller à Changnyeong, une ville de taille moyenne avec 75 000 habitants tout de même, mais qui donnait une vraie impression de zone rurale. Une fois dans cette ville vers 11 h 50 - le trajet prenait environ 40 minutes depuis Daegu -, nous devions changer de terminal de bus pour nous rendre encore plus dans la campagne profonde à Upo. Comme nous avions du temps avant le départ, nous sommes allés prendre notre déjeuner à Lotteria, le McDonald's coréen. A ce moment, Sangsun s'est rendu compte qu'elle ne disposait que d'une carte de payement qui ne peut être utilisée qu'avec un lecteur de carte (donc pas pour les transports) et de 800 wons en liquide (la somme énorme de 50 centimes d'euro). Tout ça parce qu'elle avait laissé sa carte bleue à sa mère le vendredi avant de partir, pour une sombre histoire de culotte qui n'allait pas. En Corée, il faut acheter des sous-vêtements à ses parents quand on reçoit son premier salaire, ce qui était le cas de Sangsun cette semaine-là. Et si on choisit mal et qu'on a le malheur de donner la carte bleue à sa mère pour aller faire changer le sous-vêtement acheté, on se retrouve avec un nouveau sous-vêtement acheté à 70 euros le lendemain et un trou dans le compte en banque comme Sangsun pendant ce week-end à Daegu. Oui, c'est trololo, mais c'est la Corée et ici beaucoup de parents considèrent qu'ayant élevé leurs enfants, ces derniers doivent leur rendre la pareille en faisant plein de cadeaux (demandés explicitement parfois) et en payant pour eux. Le prétexte de "Je t'ai élevé" peut servir en réponse à plein de choses ici en Corée, quand l'enfant fait face à ses parents. Deux exemples :
L'enfant : "Je ne suis pas d'accord avec toi."
Le parent : "Tais-toi, c'est moi qui t'ai élevé, j'ai payé pour ta nourriture et tes études, quel ingrat tu es de me contredire, tu devrais avoir honte."

L'enfant : "Je te prête ma carte bleue pour aller changer ton sous-vêtement et tu en prends un autre 3 fois plus cher sur ma carte ? Qu'est-ce que c'est que ça, tu ne peux pas utiliser mon argent comme ça."
Le parent : "-Quoi ? Je t'ai élevé et tu ne peux même pas payer une culotte à 70euros? Quel enfant indigne !"

C'est bien sûr un peu exagéré, mais la relation parent-enfant en Corée peut nous sembler bien bizarre à nous autres français!
Pour en revenir à nos finances, Sangsun n'était donc pas très utile pour payer quoi que ce soit, et en ce qui me concerne, je n'avais presque plus d'argent liquide, peut-être 15 000 wons, ce qui donne à peu près 10 euros. J'avais bien mon passbook Hanabank, sorte de carnet qui permet de retirer dans les distributeurs Hanabank. Mais en plein milieu d'une ville de campagne, point d'Hanabank en vue, uniquement des banques régionales campagnardes pour agriculteurs, avec des vaches en photo sur les vitrines (véridique, si si). Quant à un distributeur acceptant ma carte française Mastercard, il est inutile de préciser qu'on ne pouvait en trouver. On s'est demandé si on allait rester bloqués au retour en plein milieu de la campagne mais on s'est rendu compte finalement qu'on avait juste assez pour pouvoir revenir sur Daegu.
Le repas fini, nous sommes montés dans le bus pour Upo pour un trajet qui durait 15 minutes. Arrivés là-bas, il était possible de louer un vélo pour faire le tour de la zone mais comme le chemin n'avait pas l'air propice au vélo partout, et surtout que nous étions fauchés, nous avons pris la décision d'y aller à pied.
Une première photo de la zone
Sur le chemin, on pouvait apercevoir beaucoup d'aigles dans les cieux, et des champs tout autour de la zone. 
Les champs alentour et les aigles dans le ciel
Autour de nous, surtout quelques familles, mais aussi des couples sur des tandems, et bien sûr les traditionnels ajosshi/ajumma en tenue de montagne qu'on trouve partout, même en plein milieu du métro de Séoul.
Une balade tranquille, en tout cas au début, mais le fail n'est jamais loin, et il commence à ce moment précis de l'histoire. Après 30-40 min de marche, nous avons vu un panneau qui montrait un vélo avec une flèche et qui disait "faites demi-tour". Mais comme nous pouvions remarquer un chemin sur le côté qui semblait continuer et faire le tour, on s'est dit qu'on devrait le prendre et visiter un peu plus. Le couple ajusshi/ajumma qu'on pouvait voir un peu plus loin sur ce chemin nous a aussi fait penser que nous prenions une bonne décision. Cependant la tenue de montagne/marche aurait dû nous avertir... En même temps, compliqué de voir ça comme signe vu qu'ils portent tous une tenue similaire.
Une photo sur le chemin peu de temps avant le panneau demi-tour
Donc nous continuions gaiement sur ce chemin, c'était toujours aussi joli même si ça pouvait paraître être un paysage peu diversifié. Après plusieurs dizaines de minutes de marche, ne voyant pas vraiment que nous retournions vers notre point de départ, nous avons commencé à nous inquiéter un peu. Mais en même temps, comme tout se ressemblait, nous n'étions pas non plus complètement sûrs. Les panneaux qui n'indiquaient pas notre point de départ ne nous aidaient pas vraiment à nous sentir rassurés cependant. Nous avons tout de même décidé de continuer, rebrousser chemin aurait de toute façon pris trop de temps, pensions-nous. Et donc... pendant plus de 3 h nous avons marché et marché. Sans voir grand-monde à part deux ou trois couples. Par contre il y avait d'assez belles photos à prendre.


Il y avait marqué "Lieu pour prendre une photo" à cet endroit, donc je m'exécute !
Le paysage alentour avec Sangsun fatiguée de la marche. Sur la corde devant, des messages en coréen étaient accrochés. Peut-être des messages d'appel à l'aide de voyageurs perdus comme nous...
Sur le chemin, nous sommes rentrés dans un tout petit village où nous avons commencé à penser que nous étions définitivement perdus. Il y avait aussi beaucoup de tombes coréennes visibles aussi.
Le petit village. On peut aussi voir une tombe sur la gauche du village
Deux tombes coréennes
En Corée, il n'y a pas de cimetières, et la plupart des membres de la famille sont enterrés en campagne ou dans les montagnes dans des tombes similaires à celles sur les photos. Ce qui explique pourquoi pendant Seolnal ou Chuseok - qui sont des fêtes coréennes de plusieurs jours où les Coréens retournent à leur ville d'origine et vont prier sur les  tombes de leurs puissants ancêtres - toute la population de Séoul prend la voiture et va dans la campagne profonde, ce qui créé des embouteillages monstres.
Bref, revenons à nous, pauvre couple perdu au milieu des arbres et des marécages. Après presque 3 heures, nous avons fini par croiser une famille de Coréens qui nous a demandé si on pouvait faire le tour par le chemin d'où nous venions ("Pauvres fous !" aurais-je répondu, si seulement j'avais su le dire en coréen). Ils nous ont indiqué que nous n'étions qu'à 45 min de marche pour revenir à notre point de départ. Soulagés, nous avons donc regagné un peu d'énergie pour finir le trajet et avoir le bus de 18 h 10.
Sur le chemin du retour
Si vous vous rappelez l'épisode de la mère la veille au soir, c'est au moment où nous avons regagné Changnyeong que Sangsun a décidé de passer un coup de fil pour dire qu'à son plus grand regret, elle ne pourrait pas être à Ansan ce soir ("il est 19 h et je suis en pleine campagne, je ne peux pas prendre un bus à Daegu ce soir pour retourner à Ansan qui est à 4 h de route, bus pour lequel il n'y a déjà sûrement plus de tickets de toute façon"). La mère n'a pas l'air d'avoir pris ça trop mal. Cependant, lorsque Sangsun n'est pas chez elle, le père passe traditionnellement un  appel à 20 h 30 pour montrer son inquiétude. Mais cette fois, point d'appel... j'en déduisis donc en m'adressant à Sangsun, je me cite: "He is very mad".
Malgré la pression familiale, nous avons regagné Daegu dans la soirée et avons mangé dans un restaurant. En sortant, il était déjà 22 h passées, et à ce moment-là a commencé autour de nous la "valse des couples" de motel en motel. Ce fait courant du samedi soir en Corée nous avait malheureusement échappé, mais à cette période de la semaine, c'est le moment où tous les couples coréens passent la soirée/nuit ensemble. Et comme la plupart des Coréens vivent avec leurs parents jusqu'au mariage, et bien il n'y a aucune chance pour qu'ils puissent passer un moment seuls et ils se rendent donc au motel. Ce qui explique pourquoi le prix des motels est plus élevé le samedi et aussi pourquoi il est difficile de trouver un endroit pour se loger si on est touriste comme nous et qu'on veut aller dans un endroit pas trop cher un samedi après 22 h.
On voyait donc tous les couples rentrer dans un motel et demander s'il y avait une chambre... Enfin bon, seul le garçon entrait pendant que la fille attendait dehors. Elle serait emplie de honte si on la voyait à l'intérieur, puisque tout le monde sait pourquoi les couples vont dans ces "love motel" en ce samedi soir!
Après que le garçon eut demandé, généralement, il ressortait dépité et le couple se dirigeait vers un autre motel, pendant que d'autres couples arrivaient les yeux pleins d'espoir pour demander à leur tour.
Heureusement, nous avons finit par trouver un motel plus excentré et pas cher pour passer la nuit.  Après toute cette marche, nous nous sommes écroulés dans le lit sans planifier quoi que ce soit pour le lendemain, hormis réserver le billet Daegu-Incheon pour un départ à 13 h 50.

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